J'ai trouvé ce long article particulièrement intéressant et en conséquence
je diffuse son texte, il résume bien la pensée du Front de Gauche au démarrage
de l'année et de la campagne.
C'est un article de mediapart, je cite ses auteurs et ma source donc. Bonne
lecture, n'hésitez pas à le diffuser !
Mélenchon ravi d'être face au «grand bol d'eau tiède» Hollande
18 OCTOBRE 2011 | PAR STÉPHANE ALLIÈS ET LÉNAÏG BREDOUX
Il savoure d'avance la bataille. La large victoire de François Hollande à la
primaire socialiste réjouit son ancien camarade, Jean-Luc Mélenchon, candidat
du Front de gauche à la présidentielle. Lui promet un «débat exigeant» et une
accélération de sa campagne dans les prochaines semaines. Au programme: la mise
en place «d'assemblées citoyennes» et les ventes du livre-projet L'Humain
d'abord, déjà diffusé à 220.000 exemplaires. Son équipe de campagne est
présentée ce mardi. Strictement paritaire, elle doit refléter la diversité du
Front de gauche, qui regroupe désormais six formations de la gauche radicale.
Entretien.
Au lendemain de la victoire de François Hollande, quelle analyse
tirez-vous de cette primaire?
Jean-Luc Mélenchon. Il y a des aspects très paradoxaux. Les primaires ont
créé de la politisation et réveillé l'appétit de débat politique. C'est
positif. Une partie de la mouvance de gauche s'est déplacée pour voter, y
compris parmi les nôtres et malgré nos consignes de ne pas y participer. Mais
il y a des aspects moins positifs avec le siphonnage médiatique qui débouche
sur une fermeture du champ politique. Car même si deux ailes se sont
distinguées autour de Valls et Montebourg, on a assisté à une discussion qui
est restée à fleurets mouchetés entre pareil et même.
Passons à la suite. On a eu la primaire, très bien. A présent passons aux
assemblées citoyennes! Notre rôle est maintenant de souffler sur les braises
pour que l'incendie de la rébellion se propage. Ce n'est sûrement pas d'aller
faire des déclarations sectaires en contemplant le reste du monde depuis notre
donjon.
Comment expliquez-vous le score réalisé par Arnaud Montebourg au
premier tour?
C'est un événement incroyablement favorable. Cela a été l'imprévu et la
superbe nouvelle. Car si le siphonnage médiatique du débat a eu tendance à
rabougrir la discussion politique, la présence de Montebourg a élargi la
légitimité du Front de gauche et désenclavé notre discours. C'est un apport
considérable: au lieu de nous éliminer du tableau, l'inverse s'est produit. La
politique doit d'abord être vécue comme la construction d'espaces culturels: de
ce point de vue, l'espace culturel de l'autre gauche a réaffleuré à la surface.
Et c'est très bon pour nous.
Par ailleurs, sur le résultat, il y a une ironie mordante de l'histoire qui
ne se révélera que progressivement. Car les primaires ont finalement abouti à
investir l'ancien premier secrétaire qui a dirigé le parti socialiste pendant
11 ans et qui se vante d'avoir été à la tête des affaires à l'occasion de deux
défaites! Après tous ces discours sur la rénovation voilà le bilan : tout
ça pour ça! François Hollande a révélé le redoutable homme d'appareil qu'il
est. Il a su transformer tout ce qui s'est passé depuis son départ de la tête
du PS en un intermède sans signification politique particulière. Nous voilà
ramenés aux conditions du débat qui ont justifié mon départ du Parti
socialiste.
François Hollande est la figure emblématique de la mutation du socialisme
français: il est le premier à avoir ouvert la voie clintonienne des prétendus
« modernisateurs », dont Tony Blair a été la figure de proue européenne.
Le débat sur la grande question de l'orientation à gauche, entre une ligne
démocrate et une ligne de combat qui est désormais incarnée par le Front de
gauche, va pouvoir avoir lieu.
C'est passionnant! Car ce n'est pas un débat entre deux personnes:il touche
à l'identité de la gauche et, plus généralement, du pays. Avec l'aggravation de
la crise, ce n'est plus une confrontation théorique abstraite mais une question
d'actualité: que fait-on à gauche une fois au pouvoir? Le premier ministre grec
Papandréou ou moi?
Pendant la campagne des primaires, la force de Hollande est de s'être
ostensiblement limité au service minimum de gauche sans broncher, avec un
magnifique sandwich au pain et un très grand bol d'eau tiède. Il a ramené tout
le programme de la gauche à deux amuse-gueules: 60.000 emplois dans l'éducation
nationale et le contrat de génération, c'est-à-dire la culpabilisation de tout
travailleur de plus de 50 ans, prié de se demander ce qu'il fait là puisqu'il
doit aider un jeune à prendre sa place...
Dans votre livre En quête de gauche, vous évoquez François Hollande
en des termes peu amènes. Vous parlez d'un «sophiste raffiné» et de son
«balancement circonspect, figure centrale de l'enseignement de
l'ENA»...
Je ne m'étais pas trompé! Et cela confirme une chose: en politique, des
personnages et leurs orientations correspondent à des moments. Je ne pourrais
pas être le porte-parole du Front de gauche et je ne serais pas crédible avec
notre programme si je n'étais pas l'homme entier, parfois excessif, que je
suis. C'est la même chose pour François Hollande: il est celui qui correspond
le mieux à la ligne sociale-centriste.
Mais pour avoir été longtemps, au sein du PS, un de ses principaux
opposants et pour avoir remarqué sa capacité à éviter les affrontements
idéologiques, ne craignez-vous pas de l'affronter lors de la campagne à
venir?
Mais non c'est l'inverse! François Hollande est le candidat qui clarifie le
champ politique. Dès qu'il apparaît sur la scène, le Front de gauche réoccupe
mécaniquement une position centrale dans l'espace idéologique traditionnel de
la gauche, au lieu d'apparaître comme le M. et Mme Plus dans une logique de
surenchère. Pour moi, la situation est plus simple désormais.
Prenons l'exemple du nucléaire. Jusque-là, nous étions perçus, avec notre
projet de référendum, comme ceux qui ne parvenaient pas à trancher. Nous sommes
désormais centraux entre les pète-sec – les écologistes – et "M. Je ne fais
rien" – François Hollande. Même chose sur les licenciements boursiers: Hollande
veut les rendre plus chers. Nous, on veut les rendre impossible! Ou bien un
licenciement est justifiable par des raisons économiques ou de personnes, ou
bien il ne l'est pas, et il doit être rendu impossible!
Il est pourtant difficile de prédire aujourd'hui quelle campagne
fera François Hollande. Il peut s'ancrer davantage à gauche, ou donner un
espace important à Arnaud Montebourg. Quel serait alors votre
espace?
Oui, ce sera compliqué. Il peut tout nous arriver. On peut être effacé en
route. Je ne vois pas comment. On peut aussi être effacé au dernier moment
parce que surgira un événement qui bouleversera tout. Mais à l'inverse,
Hollande peut être éjecté du processus parce qu'au centre, il y a déjà un
occupant. C'est M. Bayrou.
J'ai toujours dit que la prochaine présidentielle ne ressemblera à aucune
autre. Même si les gens se calment, ce sont les événements qui s'accélèrent. A
la compétition des personnes s'ajoute une modification permanente de la scène.
Les grands présents d'il y a cinq mois ont aujourd'hui disparu: Olivier
Besancenot et Dominique Strauss-Kahn. On a aussi assisté au théâtre de
boulevard autour de l'entrée et la sortie de Jean-Louis Borloo. A gauche, nous
ne sommes plus que cinq candidats: c'est le niveau le plus bas depuis 1995. Et
si Philippe Poutou pour le NPA n'obtient pas ses signatures, nous ne serons
plus que quatre: ce serait un record du petit nombre! Donc l'argument de la
dispersion ne fonctionne pas cette fois...
Dans le résultat de la primaire, on voit pourtant que l'effet vote
utile a déjà fonctionné...
A nous de faire la démonstration que le vote utile, c'est nous. C'est tout
l'enjeu de la campagne! Si j'arrive à prouver que le vote utile est celui qui
assume la confrontation avec le système financier, qui veut transformer les
institutions et organiser le partage des richesses, j'ai gagné. Sinon, Hollande
l'emportera. Mais le jeu est très ouvert.
Dimanche soir, les partisans de François Hollande ont affirmé que le
score de leur champion était lié à son plaidoyer pour une gauche «apaisée». Ne
sentez-vous pas un besoin d'apaisement?
Je n'en crois pas un mot. Depuis Giscard, on sait ce que vaut le coup de la
France décrispée. Les décrispeurs crispent tout le monde! Les gens vivent une
souffrance incroyable. Le problème de la gauche est de savoir comment parler
aux millions de gens qui pensent que tous les politiques sont pareils. C'est
savoir répondre à l'angoisse de survie... J'étais récemment à Florange où
l'usine, l'hôpital, l'école ferment... Les gens sont dans un état de
prostration, ils n'entendent rien de tout ce spectacle. Plus que jamais, je
pense que la politique, c'est 20% à 25% de convaincus de chaque côté avec, au
milieu, une masse immense de gens qui ne se déterminera pas sur des étiquettes
mais sur leurs impressions sur des candidats et sur les contenus
programmatiques.
On est dans une période où il va falloir contraindre au partage et affronter
un système financier devenu fou et insatiable. L'Espagne vient de voir sa note
dégradée, ce sera bientôt la France. Tout le monde sera mis au pied du mur et
devra choisir: céder ou combattre? La centralisation du Front de gauche dans
l'espace de gauche m'aide beaucoup à mieux maîtriser le déroulement de la
suite. Pour l'instant, je me contente de renouveler mon offre publique de débat
aux socialistes.
Mais vous disiez, toujours dans votre livre, qu'il était impossible
de débattre avec lui, qu'il représente «l'effacement des contradictions qui
traversent la société, l'effacement de la notion même
d'affrontement»?
Cette fois, il va bien falloir qu'il l'accepte. Il n'aura pas avec moi un
interlocuteur complaisant. Je reconnais cet homme comme un personnage
intelligent, cultivé, qui a des choses à dire. Il ne pourra pas faire une
collection de calembours et trois vannes à deux balles. Ça, c'est possible dans
le secret des conseils nationaux du parti socialiste.
Devant tout le monde, il devra répondre oui ou non à la VIe République.
Est-il favorable à une assemblée constituante? A augmenter le Smic? Lors du
débat, Hollande a dit qu'il voulait augmenter le Smic de la moitié de la
croissance de l'année. Or, avec l'inflation, cela veut dire qu'en 2010, il
donnerait moins de salaire que Nicolas Sarkozy!
Il ne lui suffira pas non plus de répondre en martelant la "crédibilité".
Mais quelle est la crédibilité d'une relance de l'économie avec des salaires et
des recettes de l'Etat qui ne bougent pas? Que nous propose-t-il à part la
politique qui s'applique dans toute l'Europe, de restriction des dépenses
publiques et de contraction des salaires? Il faudra avoir avec François
Hollande un débat exigeant.
Voulez-vous faire de la question salariale un thème central du débat
en 2012?
J'y ai intérêt. La question centrale est bien celle du partage des
richesses. Il faudra donc parler des salaires. C'est le vieux sujet tabou de la
résignation: c'est toujours trop. Quand je propose un Smic à 1.700 euros, j'en
vois qui sont à la limite de défaillir. Or c'est juste l'augmentation qu'on a
fait passer en 1981. Et c'est moins que ce qu'on a fait en une nuit en 1968.
C'est dire la régression dans la compréhension de la centralité de la question
du partage des richesses...
Entre les 17% d'Arnaud Montebourg et l'aile gauche du PS autour de
Benoît Hamon, espérez-vous des ralliements, à tout le moins, des voix en
plus?
Evidemment. Je ne parle pas des cadres car la dimension de carrière joue un
rôle important. Je n'ai pas de places à offrir et je n'ai pas d'argent. Mais
dans le peuple de gauche, il me faudra convaincre. La partie sera rude mais
beaucoup de gens sont potentiellement sur le même terrain que moi. Jusqu'à la
fin de l'année, notre enjeu est de conquérir la sympathie, la reconnaissance et
la légitimité sur les cadres intermédiaires de la gauche. Je parle des milliers
de leaders syndicalistes et de leaders associatifs. Ces gens-là ne se
laisseront pas attraper avec du vinaigre. La légitimité et l'autorité du Front
de gauche vont donc s'étendre.
Au-delà, on a vu des partisans du Front de gauche, comme le
conseiller général Patrick Viverge faire la campagne d'Arnaud Montebourg. A
terme, espérez-vous une recomposition à gauche?
Evidemment. Je ne travaille qu'à cela. Je veux un autre cadre pour le pays.
Et le score que je ferai bouleversera la donne. Mais, pour l'instant, je ne
m'agite pas. Les socialistes entrent dans leurs investitures pour les
législatives: le PS a une grande maîtrise de ce genre de calendrier. Le
vainqueur va évidemment dépouiller les vaincus, dont les circonscriptions
seront réservées aux femmes, ou aux alliés. Laissons passer ce moment-là mais,
déjà, je sens que cela bouge.
Quand j'étais au PS, en 2007, on a avalé le résultat qui nous choquait mais
on a essayé d'être utile dans la campagne de Ségolène Royal. Mais il y avait
une telle distance entre la candidate et la masse des socialistes organisés que
la machine grippait sans arrêt. Ce ne sera pas le cas de François Hollande. Il
est l'homme de l'appareil, il connaît la maison comme personne. Un homme
capable de recycler Robert Navarro recyclera tout le monde. Et puis il va
pleuvoir des titres: quand il était premier secrétaire, il y avait plus de
monde au secrétariat national qu'au bureau national! Avec toutes sortes de gens
dans la pièce... J'en ai même connu une qui assistait aux réunions du BN et qui
n'était pas membre du Parti socialiste! C'est dire le niveau de dilution qui
régnait.
François Hollande est l'homme de cette mouvance bazardifiée. Mais cela ne
convient pas à ce que des milliers de gens sincères mettent dans l'engagement
politique. Je le sais. J'ai déjà fait une répétition générale de ce genre de
campagne: c'est ma campagne dans le grand sud-ouest aux européennes.
En quoi cette campagne de 2009 était une répétition
générale?
Les gens d'appareil oublient que la gauche est faite de gens de gauche. Ils
ne sont pas prêts à avaler n'importe quelle combine politicienne. Et même
au-delà: lors de cette campagne, des socialistes ont voulu me donner un coup de
main. Parce qu'ils me voyaient comme l'un des leurs et qu'ils ont dans le cœur
les thèmes que je porte.
Des socialistes ont fait votre campagne?
Oui, ils ont distribué des tracts, collé des affiches... et désorganisé le
dispositif des autres en ne faisant rien! Ne perdez pas de vue que je suis de
culture socialiste. Je viens de ce courant. En dépit de tous les efforts que
des dirigeants pour me ringardiser ou me guignoliser, cela n'a servi à rien. Au
contraire: mon espace politique est élargi et, aujourd'hui, les choses
deviennent plus simples. Chacun est à sa place, dans son discours et son
authenticité.
Vous présentez ce mardi votre équipe de campagne. Comment
espérez-vous pouvoir vous «enraciner» comme vous le souhaitez pour
convaincre?
Mon affaire est séquencée jusqu'à la fin de 2011. On sort des primaires plus
forts, plus tranquilles. Novembre, pour nous, doit maintenant être le mois où
on va faire jouer les muscles. On va organiser des ventes de masse du programme
et les premières assemblées citoyennes.
Depuis le début du Front de gauche il y a trois ans, vous parlez
d'assemblées citoyennes. Mais pour l'instant, on n'en a pas vu la réelle
efficacité.
Au départ, cette idée partait d'une intuition. Ce qu'on sentait à l'époque,
c'est la révolution qui a éclaté dans le Maghreb et le mouvement des indignés.
Nous sommes dans une situation de type pré-68 avec la même vague universelle,
mais avec des contenus différents. Aujourd'hui apparaît une masse de jeunes
salariés frustrés qui entraînent d'autres franges de la population.
En France, l'effet "indignés" est atténué par la proximité de l'élection
car, à tort ou à raison, les gens se disent qu'ils vont régler leurs comptes à
cette occasion. Sans compter qu'en France, au contraire de l'Espagne, les
syndicats ne sont pas disqualifiés.
Les assemblées citoyennes doivent permettre que les gens investissent le
champ des problèmes politiques sur le mode de 2005, en plus large. C'est la
formule algébrique. Après, la formule arithmétique est plus difficile à
trouver. Car certaines assemblées citoyennes ressemblent déjà davantage à des
comités de soutien électoraux qu'à un soviet! Parfois, cela ressemble à un
collectif anti-libéral et, parfois, c'est le tout-venant avec des gens qui ont
participé aux primaires...
Nous essayons d'être collés au terrain avec l'idée que la marée va monter.
Il ne faut pas faire une campagne à l'ancienne avec seulement des tracts, des
affiches et pour seul slogan, "votez pour mon candidat, il lave plus rouge que
les autres".
Pourquoi?
Parce que cela ne correspond plus du tout au moment politique. Si vous dites
"faites moi confiance", les gens disent "mon œil".
Mais quand vous allez voir des ouvriers, à la Fonderie du Poitou Alu
par exemple, vous remarquez bien à quel point ils peuvent être éloignés du
Front de gauche...
Parce que la société est atomisée de mille et une manières. Avant, il y
avait des liens, l'Eglise, le parti et les institutions communes. Tous les
hommes allaient à l'armée... Tout cela a explosé. Mais aussi tous les
identifiants politiques communs. La nation est devenue une affaire réservée à
quelques-uns; la gauche et la révolution sont inconnues au bataillon et le
capitalisme est le régime d'Etat. Donc oui, on est loin. Et c'est une
poudrière.
La stratégie de votre campagne sera de taper sur les socialistes,
sur la droite, ou sur Marine Le Pen?
La droite, bien sûr. Les contenus vont tout régler. Les gens ne supportent
pas qu'on dise du mal des personnes. Aujourd'hui, personne n'aime Sarkozy mais
il ne faut pas s'y fier. Rappelez-vous ce qu'on disait de Chirac ou de De
Gaulle. Tout le monde était anti-gaulliste, sauf les électeurs. Cette fois,
c'est pareil. Cela ne suffira pas. Mais cela devient plus simple dès lors qu'on
évoque les contenus.
Par exemple, à Florange, on m'a demandé si j'étais d'accord pour interdire
au Front national de participer à la manifestation. Spontanément, je n'avais
aucun problème. Mais il fallait l'expliquer rationnellement. Un syndicaliste
m'a expliqué qu'il n'en voulait pas car le FN venait les diviser. Voilà, c'est
simple: cela part des contenus, pas de l'étiquette ou de la diabolisation. Je
ne vais pas discuter de savoir si le MoDem, c'est mal parce que M. Bayrou a
gouverné avec la droite. Même si cela signe un pedigree! Je vais dire que je
suis contre la TVA sociale dont M. Bayrou est partisan. Les contenus dénouent
toutes les questions politiciennes. Il ne faut jamais faire de querelles de
personnes.
Pour François Hollande, j'aurai aussi plein de choses à dire sur son rapport
à la classe ouvrière et les rapports de force sociaux. Quand on est socialiste,
on n'est pas là uniquement pour organiser le bal mais aussi pour dire sur
quelle musique on danse. Hollande a proposé de mettre dans la Constitution le
fait que le contrat soit au-dessus de la loi. Mais sa République contractuelle
n'est pas la République française, une et indivisible! C'est un bouleversement
de l'ordre juridique français. Et qui a des conséquences concrètes: pour un
syndicaliste, cela signifie qu'il est abandonné au rapport de force avec son
patron.
Est-ce envisageable de faire un accord de gouvernement avec François
Hollande?
Il va y avoir un débat. Dans une campagne, on ne descend pas de la montagne
avec ses tables de la loi qu'on révèle. Il y a des étapes. Là, on est dans la
semaine de l'épectase de François Hollande. Moi, je n'ai rien contre lui, je
n'ai pas de compte personnel à régler avec lui. Même s'il n'a pas été très
régulier avec moi. Ce n'est pas une affaire de personnes. Mais là, c'est
vraiment trop beau comme débat.
Quand vous entendez François Hollande se revendiquer de plus en plus
de François Mitterrand, cela vous donne-t-il envie de lui contester cette
filiation?
J'ai gagné mes galons il y a longtemps et je n'ai pas de leçons à recevoir.
Celui qui a rassemblé à nouveau des pièces et des morceaux des socialistes avec
des communistes, c'est moi. Hollande, lui, est en train d'expulser, une
nouvelle fois, du camp de la gauche des gens qui devraient y avoir leur place.
Au profit d'alliances hasardeuses avec M. Bayrou. Mitterrand avait une très
bonne formule à ce sujet: «Ils ne sont ni de gauche, ni de gauche.» Hollande
veut une alliance avec eux: à nous d'empêcher ce désastre d'être consommé.
Périssent ceux qui s'y abandonnent.
En réalité, le choc entre Hollande et moi, c'est celui de la gauche
contemporaine. Comme à l'époque l'affrontement entre Blair et Jospin.
Aujourd'hui, c'est saluer le courage de Papandréou en Grèce ou c'est dire,
comme moi, qu'il est un lâche et un désorganisateur de la lutte. Que feront les
socialistes? Payer la dette? Petit à petit, je vais tellement secouer Hollande
qu'il va être obligé de bouger. Je vais essayer de l'arracher à ses atavismes.
Et plus il lâchera, plus il me renforcera. C'est mon raisonnement. C'est ma
stratégie de conquête du pouvoir et de l'hégémonie à gauche.
Ensuite, on arrivera à l'épisode numéro trois: fait-on quelque chose
ensemble? Le Front populaire est une série d'événements que personne n'a
contrôlés. Il y avait un accord électoral qui prévoyait un gouvernement des
radicaux, les socialistes apportant l'appoint. Finalement, ce fut l'inverse!
Cette année, les événements politiques et sociaux seront-ils synchrones? Si tel
est le cas, l'élection sera extrêmement volatile.
L'entretien a eu lieu à Paris lundi pendant plus d'une heure. Il a été
relu et amendé à la marge par Jean-Luc Mélenchon.
BC